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Une rêveuse parmi tant d'autres. Chaque mot est une pensée qui s'envole, chaque photo aussi. Sur les ailes de mes pensées, mes rêves prennent leur envol. J'ai la tête dans les nuages et le coeur léger, au gré de mes pensées, je laisse le vent m'emporter...

jeudi 28 avril 2011

Ru : Un ruisseau de souvenirs


Kim Thuy n’avait que dix ans lorsqu’elle est arrivée à Montréal, de son Viêt-Nam natal. Comme tant d’autres, elle venait de faire le voyage sur un bateau insalubre, avec 200 personnes, vers un pays dont elle ne connaissait rien, sauf que sa vie était supposée y devenir meilleure. Ru signifie ruisseau, le ruisseau de la vie qui parfois poursuit tranquillement son chemin et souvent, sort de son lit. Le premier livre de Kim, Ru, ne raconte pas seulement son récit,  mais aussi celui de plus de 137 000 vietnamiens fuyant la guerre et le communisme.

Après 10 années passées sous le signe de la prospérité à Saigon, où un avenir brillant s’offrait à elle, Kim est forcée de fuir, avec sa famille, la menace grandissante du communisme. Dès lors, elle et sa famille vécurent, en camps de réfugiés, la pauvreté qu’ils avaient, jusque là, réussi à éviter, avec, comme seul souvenir de leur vie d’avant, les diamants cachés dans leurs vêtements. Après un long périple en mer, la famille s’installe à Granby, dépaysement total dites-vous? C’est à Montréal que vit maintenant Kim Thuy.

Une  beauté bien réelle

À raison d’une courte histoire par page, l’auteure nous raconte la vie des gens comme elle, en un seul récit anachronique d’une beauté saisissante. Les descriptions des «femmes qui ont porté le Vietnam sur leur dos, pendant que leur mari et leurs fils portaient les armes sur le leur » et la douceur avec laquelle ses mots s’enchaînent bercent le lecteur, comme a déjà bercé ces milliers de personnes le roulement d’un bateau; chaque mot porte l’empreinte d’un fait vécu.

 «[…]La petite ampoule suspendue au bout d’un fil retenu par un clou rouillé diffusait dans la cale une faible lumière, toujours la même […]»  Cette phrase est une des premières du livre, en fait, c’est un des premiers moments de la nouvelle vie de Kim. Ensuite, on se promène entre l’ancienne et la nouvelle vie. En fait, on assiste à un entrechoquement de cultures et de valeurs, devenant, petit à petit, une harmonie.


Écrire pour sauver des vies

Entre deux souvenirs, l’écrivaine nous fait ressentir toute la sensibilité et la vulnérabilité d’une petite fille de 10 ans devant s’adapter à une nouvelle langue, une nouvelle culture et un nouveau niveau de vie. Alors que ses parents troquent leurs diamants et leur grande maison pour des emplois de misère et un appartement miteux, elle, elle apprend à mettre de côté les valeurs inculquées, entre leur passage en camps de réfugiés et leur vie dans le bateau. Réduite au silence par tant de changements, la fillette doit réapprendre à s’exprimer.

«Jeanne, notre fée en maillot et collant rose aux cheveux piqués d’une fleur, a libéré ma voix sans avoir utilisé les mots […] C’est grâce à Jeanne que j’ai appris à dégager ma voix des replis de mon corps pour qu’elle puisse atteindre le bout de mes lèvres.» À seize ans, dans le restaurant pour lequel son père travaillait comme livreur, elle rencontre M. Ming « Cet homme, qui avait étudié la littérature à la Sorbonne, avait survécu aux camps de rééducation grâce à un tout petit morceau de papier sur lequel il écrivait et réécrivait jour après jour, pour ne pas succomber à la folie. C’est grâce à lui que j’ai découvert la pureté, le pouvoir de l’écriture, poursuit-t-elle, l’écriture pouvait vraiment sauver des vies».

C’est grâce à des Jeanne, des M. Ming, des Johanne et des Claudette que Kim à retrouver la voix, mais aussi que ses semblables sont arrivés à s’établir au Québec, malgré les embûches. Tous ces gens, elle les raconte, ainsi que son oncle éternellement jeune, sa mère aimante à sa manière et tous les autres, ceux qui rendent le livre si réaliste et exceptionnel.

Sorti à la fin de l’année 2009, Ru ne tarda pas à être traduit à travers le monde, après que la France, l’Italie, l’Allemagne et plusieurs autres pays Européen aient racheter les droits de l’histoire. C’est une grande victoire pour la petite fille muette, qui, comme tant d’autres, a dû abandonner ses rêves et ses ambitions pour se projeter dans l’inconnu et qui malgré sa nouvelle vie, tâche de ne jamais oublier ses origines.

THUY, Kim. Ru, Éditions Libre Expression, Montréal, 144 pages.

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